Rivières

Rivières

الأنهار

L’été, au bout de la route, les rivières s’écoulent le long des massifs. Les branches des saules affleurent à la surface de l’eau et les racines des aulnes s’exhibent à nu sur les bords tranchés des rives.

Nous marchons dans les lits d’eau fraîche et nous sentons sous nos plantes de pieds les racines et les galets vaseux. Sentir la pression douloureuse sur notre peau, chercher les pierres longues et soulager notre marche à mesure que nous avançons.

Plus bas, les fonds limoneux sont noirs et les insectes nappent la surface. La fraîcheur de l’eau saisit nos corps chauffés par le soleil. Tu regardes les matières organiques décomposées et les particules en suspension qui défilent devant toi et tu imagines les artères, les gorges, les vallées et les fleuves jusqu’à la mer.

Tu penses aux lacs sans mouvement. Au bois mort, au fond de l’eau. Aux premières forêts.

Nous sommes tout et nous ne sommes rien.

Dans la nuit, la tente claque avec le vent. Les arbres bruissent par vagues dans un souffle qui provient des ravins. La puissance du son t’effraie. Les enfants sont allongés à côté de toi et tu as l’impression que vous pourriez être emportés. Les rafales éparses de pluie éclatent sur la toile et les insectes s’agitent rassemblés vers les lumières. Tu imagines camper dans un lieu inexploré et sauvage mais ce n’est pas le cas. Les habitations, les aménagements, les bungalows. Tu longes une frontière qui n’appartient qu’à toi, comme si tu marchais sur une crête avec le réel d’un côté, l’irréel de l’autre. Tu marches en les regardant tous deux, alternativement. 

Une autre nuit, nous sortons à la lumière des lampes. Les corps se mêlent à la forêt et la flore surgit. L’âme de la végétation se révèle dans l’obscurité et invoque un monde invisible, que tu ne reconnais pas. Tu cherches les traces des animaux et tu écoutes les sons lacustres. Continuer à s’enfoncer dans le noir, à perdre pied. Tu te sens étranger, tu te dis que la nature n’a pas besoin de toi, qu’elle continue ses ondulations la nuit, qu’elle continue, immobile, à grouiller.